Marseille à fleur de peau

05/02/2008 18:05

L'identité contrastée de Marseille

Tout le monde s’accorde pour dire que Marseille a une identité bien à elle, sans pourtant savoir dire précisément laquelle. L’éternel poncif OM/PSG est souvent cité comme fait d’appartenance culturelle, ce qui ne suffit pas, en soi, à définir une identité. L’on peut ainsi supposer que, si cette identité est si difficile à définir, c’est qu’elle détermine tout un chacun : celui qui a entendu parler de Marseille et ne fait qu’en rêver ou la craindre ; celui qui y est passé ; celui qui y reste.

 

Le sort de Marseille

La problématique centrale qui semble être celle de l’identité marseillaise est la notion de Sort. Marseille est une ville où se détermine le destin de chacun, non pas pour le tracer et en faire une finalité qui soit une fatalité, mais pour l’orienter, à un moment donné, celui de la rencontre avec cette ville.

Le sort ce peut être le désir d’un sort meilleur, quitte à le forcer, l’acceptation temporaire de son sort dans une solidarité où règne la rhétorique, ou bien la fixation dans un sort désespéré.

Cette notion de sort est une notion qui relève de la Grèce antique et, ne l’oublions pas, Marseille, comme Naples, a toujours été une ville grecque, davantage qu’une ville romaine. Arles est une ville romaine, par exemple.

Le sort est en effet la clé de voûte de la tragédie grecque. Il frappe égalitairement pauvres et riches, bienheureux ou malheureux. On pourrait même dire qu’il tombe du ciel, envoyé des dieux. Le sort est toujours motivé chez les dieux, mais les humains connaissent si peu leurs motivations qu’il paraît aléatoire. En revanche, ce qui relève de la liberté humaine, c’est le « ressort », c’est-à-dire la capacité à savoir saisir cette nouvelle orientation et à lui donner une dimension propre (ex. : d’une situation mauvaise savoir tirer malgré tout un profit ou une leçon).

 

L'orientation de Marseille

Le sort oriente de même que Marseille oriente souvent la course des marins vers l’Est. Derrière l’apparente futilité marseillaise, qui sait rire de tout et dénier le sérieux, se trouve une forme de sagesse orientale. Car cette notion de sort, à entendre comme ce qui va orienter d’une autre façon la trajectoire de quelqu’un sur la carte du monde, est une notion ancestrale de la Chine ancienne.

Le sort, il s’agit d’y croire (ou non), et de savoir s’en saisir (ou non). A Marseille, c’est donc la dialectique entre la croyance dans la fin (l’espoir d’être libre, qui peut aussi être un leurre) et le choix des moyens (comment y parvenir) qui est structurante d’une identité.

Lorsqu’on entend parler de Marseille, il ne fait aucun doute que c’est une ville qui fascine. Dans la fascination, se mêlent étymologiquement la crainte (terreur) et l’envie. Il faut y voir, là encore, un indice d’après lequel la façon dont on se positionne par rapport à elle (l’écarter de sa trajectoire, la traverser ou y demeurer) est déterminante dans un parcours personnel, en vertu précisément de cette convergence du sort, qui est aussi un sortilège.