Introduction aux compétences éthiques et techniques en entreprise : le conflit de loyauté

03/01/2008 18:06

A l’heure actuelle, il est une notion chevaleresque qui s’actualise souvent en entreprise, celle du « conflit de loyauté ». Elle ne fait que trop rarement l’objet d’une prise de conscience.

Transportons-nous à la cour du roi Arthur… à partir des analyses sémiologiques de Greimas.

Le chevalier n’est adoubé que s’il répond à trois types d’épreuves initiatiques :

- L’épreuve qualifiante

Elle qualifie des compétences de chevalier.

- L’épreuve décisive

Le chevalier est en situation de faire un choix, de prendre une décision et il en assume la responsabilité.

- L’épreuve glorifiante

Cette épreuve marque le succès du chevalier dans son action, et elle s’achève par l’adoubement.

En entreprise, le salarié doit traverser ces trois types d’épreuves, s’il veut parvenir à une reconnaissance professionnelle : il doit faire preuve de ses compétences, témoigner de son habilité à prendre une décision en évaluant les tenants et les aboutissants de la situation, et garantir le succès de cette décision.

Le « conflit de loyauté » se situe au moment de l’épreuve décisive. De fait, le chevalier/salarié a démontré ses compétences techniques (ce qu’il sait faire) lors de l’épreuve qualifiante.
Lors de l’épreuve décisive, le choix implique, outre les compétences techniques, des compétences éthiques (ce qu’il doit faire). En matière de chevalerie, les compétences éthiques concernent le devoir au sens de l’adéquation à certaines valeurs (loyauté, courage…) qui fondent le code de chevalerie. Dans l’entreprise, ces valeurs éthiques peuvent par exemple être le sens du travail bien fait, le sens de l’intérêt collectif, l’adhésion à l’intérêt de l’entreprise…

Le « conflit de loyauté » est un conflit entre les compétences techniques (ce que le salarié sait faire) et les compétences éthiques (ce qu’il doit faire, au nom de ses valeurs), et il intervient au moment de la prise de décision. Par exemple, un salarié qui délivre des agréments de sécurité peut se heurter à des pressions sur résultats de la part de son manager. Dans ce cas fictif, le manager rend prioritaires les compétences techniques (rentabilité) sur les compétences éthiques (les normes de sécurité). Le salarié se trouve donc pris dans une dialectique conflictuelle, puisqu’il lui faut choisir entre ses exigences éthiques (bien faire son travail, qui consiste à ne délivrer des agréments que si toutes les conditions de sécurité sont remplies) et ses exigences techniques (devoir d’obéissance à sa hiérarchie).
Dans le conflit de loyauté, l’individu est mis en situation de devoir choisir par défaut, entre deux options qui doivent d’ordinaire être liées, et non opposées. C’est comme si l’on vous demandait de choisir entre votre père et votre mère, ou entre votre femme et votre mère (il arrive que des mères tolèrent mal leurs belles-filles…). La situation est inextricable !

Les incidences directes du conflit de loyauté sur le travail sont une démotivation profonde, une perte de confiance dans l’entreprise, le développement du cynisme et des conduits de sabordage (vols dans l’entreprise…). Parfois, en fonction de la fragilité du salarié, de son environnement, et de l’ampleur de son investissement affectif sur les compétences éthiques qu’on lui demande de renier, cela peut déboucher sur de la dépression, voire même des épisodes délirants.

Dans quelles circonstances surviennent des attitudes déclenchant des conflits de loyauté à l’échelle de l’entreprise ?

Très souvent, il s’agit d’une situation porteuse de paradoxes lourds, où prime une déficience de cohérence entre les objectifs donnés et les moyens fixés, qui s’illustre par exemple ainsi :

- Une contradiction profonde entre les valeurs promulguées et les valeurs portées par la culture de l’entreprise,

- Une communication qui ne fait pas sens pour le terrain,

- Des carences en pédagogie de la part du management,

- Un climat social de résistance au changement…

A l’échelle collective, ces situations peuvent conduire à des tensions sociales, à un désinvestissement de la vie professionnelle et à des troubles psychosociaux dans l’entreprise.

Pour se prémunir et sortir de cette situation, il est primordial pour les dirigeants de repenser ce qui fait sens pour les salariés, de se fonder sur des valeurs partagées par tous pour promouvoir des actions cohérentes, qui soient en phase tant avec les objectifs qu’avec la culture de l’entreprise, et puissent être accompagnées avec pédagogie.

Une étude de cohérence culturelle, selon les méthodologies promues par Sémiode, nous semble le préalable à toute action d’envergure, et peut être aussi le moyen d’identifier des problèmes récurrents dans l’entreprise.

Les consultants Sémiode ne sont pas au service du changement. Ils sont au service de la valeur ajoutée par le changement.