Au sujet des grèves

03/12/2007 18:07

La grève et les acteurs de la grève En ce moment, il est un scénario bien connu des français, presque rituel, pourrait-on dire, tant il revient de façon régulière et litanique : la grève. Celle-ci concerne souvent les mêmes acteurs, bien que les raisons affirmées de la grève soient différentes à chaque fois. Pour l’essentiel, ce sont les acteurs de la fonction publique. Cela doit nous questionner, dans des temps où les médias et le discours politique divisent la France en une France d’assistés et une France de travailleurs. Le service public est bien souvent assimilé, dans les discours du tout venant, à la France des assistés. Faire grève apparaît désormais comme un « luxe », que tout le monde ne peut pas se payer. Parfois même, les jours de grève ne sont pas décomptés du salaire. Ce sont des jours chômés, au sens propre du terme. Si l’on revient à l’histoire de la grève, ce qui se passe actuellement doit conduire à en interroger la portée. La Place de Grève était en effet le lieu où les ouvriers sans travail se réunissaient, dans l’attente de nouvelles embauches. Se mettre en grève voulait dire que l’on retourne en Place de Grève, dans l’espoir de meilleures conditions de travail.

Qu’est-ce qui est à lire, derrière ces grèves de la fonction publique ?
Sans nul doute, autre chose que les seules revendications exprimées. La fonction publique n’a plus les moyens d’être ce qu’elle doit être, mais les moyens dont je parle ne sont pas nécessairement ceux dont elle dit manquer. Rappelons qu’à l’origine, les grèves étaient interdites aux fonctionnaires, en application du principe de « continuité du service public ». Servir l’Etat était un honneur, et devait passer avant toute autre considération. En contre-partie, l’Etat garantissait la sécurité de l’emploi chez ses chevaliers. Pour mémoire, même le Front Populaire en 1936, n’avait pas dérogé à ce principe.
 
Une mise à mal des identités et une perte de sens…
Actuellement, la fonction publique connaît une profonde mise en danger identitaire. Elle ne peut en effet plus être la fonction (l’instrument) du peuple, puisque la notion de peuple est elle-même directement atteinte, ce que l’on retrouve dans les profonds questionnements identitaires sur ce qu’est le peuple français (voir les débats sur l’immigration). Or, c’est l’Etat qui est le garant de la dynamique d’un peuple, ce même Etat qui, dans les mémoires, a promis des retraites qu’il n’est plus capable de tenir, et s’est trahi dans nombre de ses engagements aux yeux de son peuple. Car, au-delà des hommes politiques et des différentes appartenances, l’Etat reste, aux yeux d’un peuple, une personnalité et un symbole qui ont une continuité historique. C’est à cet endroit que l’Etat français s’est dévoyé, dans de fréquentes luttes carriéristes individuelles, loin de l’engagement au service du peuple (le service public), dont les ministres sont, étymologiquement, les serviteurs. La suppression de la fonction publique (dans les mentalités avant toute chose, y compris chez les fonctionnaires) symbolise ainsi les trahisons et les non-sens étatiques depuis la déroute de l’Etat français sous Vichy. Ce n’est pas un hasard si c’est la constitution de 1946 qui autorisa les grèves aux fonctionnaires, au nom d’un égalitarisme qui ne peut pas exister. Lorsqu’on est au service du peuple, il s’agit d’une fonction éminente, de salut public, comparable à aucune autre, dans ses droits, mais aussi dans ses devoirs et son code d’honneur.
 
Repenser l’Etat…
Depuis lors, le clivage entre la fonction publique et les autres s’est accentué, au point de créer un inégalitarisme profond, qui existait de fait mais n’était plus reconnu comme tel. Les grèves actuelles illustrent à quel point la fonction publique a perdu le sens de son travail et ses repères étatiques, et manifestent, là encore, la perte substantielle de la Res-publica, de l’intérêt général, auquel est supplanté un clivage du peuple, entre « les assistés » et les autres… Il est donc grand temps de repenser la fonction Etatique par une redéfinition du concept d’Etat, dans sa dimension politique et exemplaire, ainsi que de ses ministres au service du peuple.